Publié le 13 octobre 2025 Mis à jour le 8 novembre 2025
modèle d'Ising
modèle d'Ising
Lieu(x)
MSH - 4 rue Ledru à Clermont-Ferrand
Amphi 220
 

Modèles mathématiques et universalité dans les pratiques d'explication en physique statistique

Quentin Rodriguez soutiendra sa thèse de doctorat "Modèles mathématiques et universalité dans les pratiques d'explication en physique statistique" le lundi 10 novembre 2025 (14h), à la MSH de Clermont-Ferrand (Amphi 220).

Le jury sera composé de Henri GALINON (co-directeur, UCA), Sébastien GANDON (directeur, UCA), Alexandre GUAY (Professeur des Universités, KU Leuven), Vincent ARDOUREL (chargé de recherches, CNRS), Anouk BARBEROUSSE (Professeure des Universités, Sorbonne Université), Christopher PINOCK (Professeur des universités, Ohio State University).

Résumé :
La physique statistique a pour objet d’expliquer les phénomènes macroscopiques à partir de théories portant sur leurs constituants microscopiques, en mobilisant des modèles mathématiques. Ces dernières années, les explications issues de la physique statistique se retrouvent au cœur de plusieurs débats importants en philosophie des sciences, concernant la nature de l’explication scientifique, la question de l’émergence, ou l’application des mathématiques dans les sciences empiriques. Un cas particulièrement discuté, mis en avant par les physiciens eux-mêmes, est l’explication du caractère « universel » des phénomènes critiques – un type particulier de transitions de phase. Cette explication procède à l’aide de méthodes mathématiques appelées méthodes de renormalisation, appliquées à un modèle mathématique, typiquement le modèle d’Ising. Ce cas a largement infusé chez les physiciens, qui le considèrent aujourd’hui comme exemplaire d’un type spécifique d’explication, exportée depuis hors des limites traditionnelles de la physique, notamment à la biologie et aux sciences sociales. Cependant, la technicité mathématique de l’explication la rend difficile d’accès, et elle suscite des interprétations divergentes chez les philosophes.

Plutôt que de choisir un camp parmi les interprétations philosophiques concurrentes, ce travail propose de faire un pas en arrière, pour prendre le problème par l’autre bout. Un changement est clairement visible à partir des années 1970 dans la représentation que les physiciens statisticiens se font de leur propre activité. Il se manifeste notamment par la réouverture de débats épistémologiques internes à la physique, dont l’article « More Is Different » de Philip Anderson (1971) constitue le jalon le plus célèbre. Ce fait épistémologique est intéressant en soi pour la philosophie des sciences. Sur cette base, il s’agit d’identifier si l’on peut relier ce changement de représentations avec un changement concomitant dans les pratiques explicatives de ces physiciens. On pourra alors voir quels concepts philosophiques permettent ou non de capturer ce qui fait la nouveauté de ces pratiques d’explication.
Dans un premier temps, la question des modèles simplifiés et des explications de portée universelle qu’ils permettent en physique sera posée. Il s’agira ensuite de caractériser les méthodes de renormalisation comme explication mathématique. Enfin, le rôle des idéalisations dans l’explication sera analysé, en procédant à une triangulation du cas des phénomènes critiques, par une comparaison systématique avec l’explication du gaz parfait et celle de l’oscillateur harmonique. L’explication des phénomènes critiques apparait alors comme une forme hybride, combinant différentes idéalisations et analogies d’une façon non triviale. Ce résultat éclaire le sens dans lequel les physiciens peuvent dire que cette explication nécessite de façon irréductible deux niveaux de représentation du phénomène : un niveau microscopique et un niveau macroscopique. À l’avenir, cette clarification pourrait permettre d’étudier sur une base plus solide les transferts de modèles de la physique statistique à d’autres domaines scientifiques.

Mots-clés : philosophie de la physique ; transition de phase ; renormalisation ; phénomènes critiques ; idéalisation ; modèle mathématique ; Ising ; physique statistique ; explication scientifique ; explication mathématique.